Haut les cœurs !

Il est pour le moins peu enthousiasmant de porter le regard sur un quotidien et un vivre ensemble chaque jour un peu plus dégradés, un peu plus dystopiques. Derrière l’agitation confuse du moment, les tendances de fond néanmoins se confirment, que j’ai développées ailleurs (il y a un an déjà !).

Apocalypse Now, un effort de décodage tant sur un plan socio-politique (première partie) que sémantique (seconde partie).

La crise écologique (climat, biodiversité) pouvait encore apparaître comme diffuse et lointaine aux populations privilégiées que nous constituons. L’irruption puis l’installation dans nos existences d’une pandémie annoncée (1) mais inattendue (les guerres, les catastrophes plus ou moins naturelles, Ebola ou autre, on le voit bien à la télé, c’est pour ces pauvres gens à la peau sombre là-bas, au sud) et enfin le traitement politique et social de celle-ci ont mis en évidence pour nombre d’entre nous -malgré la fantastique confusion entretenue en temps réel par les actes et le langage des dirigeants et des médias – l’incapacité foncière de nos institutions à aborder efficacement des problématiques complexes, la déconnexion intégrale des ‘élites’, la montée fulgurante du contrôle et de l’autoritarisme, la réduction des stratégies à un solutionnisme technologique sourd et aveugle qui jour après jour exhibe ses limites et plus encore ses effets délétères sur l’individu et le social, la large prévalence enfin des retours sur investissement sur le bien commun. Mais, une période de crise(s) aiguë(s) – ne nous leurrons pas, c’est bien là où nous en sommes rendus – ce sont aussi de nouveaux concepts, des émergences sociales et culturelles, des opportunités ou ouvertures inédites, inattendues, dans un système qui entame de profondes transformations.

Les larmes du président de la séance de clôture de la COP 26 en disent long sur notre incapacité à prendre les décisions nécessaires à faire face à la situation (capture d’écran)

L’épiphénomène Covid-19 (2) ainsi que le cortège de machins technologiques, dispositions réglementaires en lasagne et altérations substantielles et répétées des rapports sociaux qui l’accompagne, s’il imprègne fortement nos existences aujourd’hui, ne doit pas nous empêcher de tenter de saisir l’essence du moment. Comme on pouvait s’en douter (3), le monde d’après (4) ressemble furieusement au monde d’avant, en bien pire encore (5) et l’urgence d’agir n’a bien évidemment fait que croître. Les non-décisions (6) tout autant que les décisions qui sont prises aujourd’hui nous engagent, nous et nos descendants, engagent l’humanité pour des générations.

Haut les cœurs, donc !

Or rien ne se passe. Ou plutôt si, les situations complexes évoluent très rapidement, à un rythme dont l’accélération se révèle d’ailleurs interpellante, mais personne ne semble avoir la main sur rien, ne rien pouvoir arrêter ou contrôler. … Le présent texte explorera diverses pistes, plus ou moins complémentaires, de compréhension de cette stase critique. Hélas, entamé dans une certaine insouciance, l’exercice s’est très vite révélé d’une complexité qui n’a fait que stimuler l’intérêt, et dès lors la prolixité, de l’auteur. L’habitude semble devoir être prise pour de telles disputaisons de scinder le texte en plusieurs parties afin d’éviter un écart excessif avec le format ‘blog’ (je ne suis pas censé écrire un essai, là !). Mais aussi de permettre à l’auteur de souffler (et travailler à la suite) durant la pause. Le gâteau s’appréciera sans doute mieux, dégusté en plusieurs tranches, plutôt que goinfré vite fait au dessert. En voici la première portion.

Tu dors, Brutus, et Rome est dans les fers !

Voltaire, La Mort de César, 1736.

Pris dans le faisceau des phares, le chevreuil se fige

C’est exactement là où nous en sommes: cette sidération quasiment onirique où l’on se sent glisser sur une pente dangereuse sans pouvoir intervenir de quelque manière que ce soit à moins que nous n’ayons les pieds englués dans une substance épaisse qui ralentit considérablement notre fuite de ce danger confus auquel nous tentons d’échapper (7).

Si le stress apparaît comme incontestable, nous verrons plus loin à quel point nous ‘encaissons’ aujourd’hui, il serait regrettable de limiter nos réflexions à la surface des choses. Le déroulé des événements de l’époque réintroduit par la porte de derrière la question du sens et du non-sens dont nous pensions nous être débarrassés en la jetant par la fenêtre de la consommation. D’un point de vue phénoménologique, « Le trauma n’est pas seulement effraction, invasion et dissociation de la conscience, il est aussi déni de tout ce qui était valeur et sens et il est surtout perception du néant, mystérieux et redouté, ce néant dont nous avons l’entière certitude qu’il existe, inéluctablement, mais dont nous ne savons rien et que nous avons toute notre vie nié passionnément »(8).

Cette stase dans laquelle nous sommes comme immergés nous voit donc tou(te)s (9), peu ou prou, en réelle et profonde souffrance. Pouvons-nous mettre en mots celle-ci ? Pouvons-nous contextualiser, relier, donner sens  à cette souffrance ? Pouvons-nous imaginer en sortir ‘par le haut’ ? Nous verrons cela tout bientôt. Il nous faut au préalable dénoncer quelques impasses de la réflexion.

Dire « les gens sont cons », c’est con (10)

Une autre version de l’expression ‘les gens sont cons’ (source: Framablog)

Interdisons-nous d’emblée une bien trop confortable porte de sortie. Lorsqu’au détour d’une conversation surgit le vocable ‘les gens’, nous sommes déjà mal barrés. Angle de vision très étroit excluant bien entendu (c’est même son premier intérêt) le locuteur et éventuellement celle ou celui qui lui fait face, la survenue du terme permet déjà d’anticiper avec une quasi-certitude la pauvreté des opinions qu’il précède. Voici d’ailleurs un exercice salutaire qui m’a été inspiré par un amie : soutenir une conversation animée sans recourir à l’expression « les gens ». C’est pas mal sportif, vous verrez, mais surtout inspirant (11). Nous ne sommes que trop contaminés par une vision étroite et exclusive dont il importe de nous débarrasser afin de saisir un peu mieux la complexité des choses. Avantage collatéral : on évite de se tromper d’ennemi.

On passe à un stade ultérieur encore lorsque les termes ‘les gens’ sont suivis de la sentence définitive ‘sont cons’. Mérite insigne de la formule : régler définitivement la question. L’assertion en effet tient du principe explicatif ultime. Il ne reste plus ensuite grand-chose à dire, voire même à réfléchir. Et c’est bien là qu’est l’os !

Seconde conséquence de cette péremptoire affirmation, si les gens sont vraiment cons, on ne doit donc pas en attendre grand-chose : bosser, consommer, faire des gosses, c’est déjà pas mal. Réfléchir, analyser, comprendre ou pire encore débattre, élaborer ensemble, décider, sont évidemment des ambitions largement hors de portée des cons. Laissons donc penser et décider pour nous les gens sérieux, les décideurs ou les influenceurs, en gros ceux qui passent à la télé (12 )

« L’opium fait dormir, parce qu’il y a en lui une vertu dormitive dont la nature est d’assoupir les sens » (Molière, Le malade imaginaire, 1673)

D’aucuns (13) ont avancé ici le concept de procrastination. En somme nous serions incapables de réagir pour cause de procrastination. Un peu comme les vertus dormitives de l’opium, quoi.

La première étape de notre démarche (qui devrait me prendre deux articles quand même !) nous verra tenter l’examen des mécanismes à l’œuvre et des principales contraintes et chausse-trappes du terrain sur lequel nous évoluons. Si nous avons la prétention de dépasser le niveau des conversations de comptoir, il nous faut à tout le moins dresser un premier inventaire des thèses susceptibles de nous éclairer dans notre recherche, inventaire que je classerai, un peu arbitrairement sans doute, en deux champs d’investigation distincts. Voici le premier, qui fait l’objet du présent article.

_________

Première partie: information et cognition

L’individu n’est pas une machine parfaite opérant des choix rationnels au départ d’une information totalement disponible (14). En particulier en situation de risque (15). Dans le monde réel, l’information est bien souvent dissimulée, tronquée, vidée de son sens par défaut de contextualisation. Notre cognition est lacunaire, biaisée, empreinte de nos affects. Notre libre arbitre (16) est contingent, nos capacités d’abstraction limitées, notre cerveau extrêmement influençable. Dans la thématique du jour, ces multiples limitations se donnent à voir à de plusieurs niveaux. Voyons cela.

Six mille tweets par seconde

Chaque seconde, 29000 Gigaoctets (vingt-neuf mille milliards d’octets) d’information sont publiés dans le monde (17). 184 milliards de tweets sont expédiés chaque année (18). 30.000 au moins sont partis durant le temps qu’il vous a fallu pour lire cette dernière phrase. Cette saturation, que d’aucuns ont dénommée ‘Apocalypse cognitive’ (19), constitue un bruit de fond empêchant tout élément nouveau de se constituer en véritable information. Gregory BATESON définit l’information comme « une différence qui crée une différence » (20). Mais la différence que constitue l’information (prenons par exemple la modification du régime des pluies en Cévennes depuis une trentaine d’années (21) ou le présent texte) ,dispose de peu de chances d’émerger du colossal bruit de fond que j’ai évoqué plus haut. Dans cette mesure une telle différence n’existe pas en tant qu’information.

L’ours polaire et le Burkini

dessin de Khalid ALBAIH

Il est remarquable que ce bruit de fond pourra être sciemment entretenu, voire considérablement développé. En balançant à tout crin du Burkini ou du Woke, le cercle politico-médiatique suscite un bruit de fond supplémentaire, admirablement amplifié par les réseaux sociaux (22), reléguant au statut de sous-information ce qui pourrait véritablement faire débat entre nous (23).

L’actualité pipeulisée ou les algorithmes captateurs des réseaux sociaux noient notre capacité d’attention sous des tonnes de Messi (24) alors que la courbe des recherches sur Google relativement au dernier rapport (catastrophique) du GIEC s’effondre quelques jours après la publication (graphique ci-dessous) de celui-ci. La popularité de l’ours polaire fond aussi rapidement que son bout de banquise.

source: Google Trends

Les scientifiques se relaient depuis des années, que dis-je des décennies, pour produire de retentissants appels dont l’écho inexorablement résonne dans le vide (25).

On pourrait donc dire, en paraphrasant BATESON (voir plus haut) avec quelque ironie, que nous observons ici une différence qui crée l’indifférence. L’info tue l’information.

Dissonance cognitive

La situation que nous explorons aujourd’hui me paraît en quelque sorte constituer un cas d’école pour le concept de dissonance cognitive (26). «La dissonance cognitive est la tension interne propre au système de pensées, croyances, émotions et attitudes (cognitions) d’une personne lorsque plusieurs d’entre elles entrent en contradiction l’une avec l’autre. Le terme désigne également la tension qu’une personne ressent lorsqu’un comportement entre en contradiction avec ses idées ou croyances » (wikipedia).

Ce qui nous intéresse tout particulièrement ici, c’est le phénomène de ‘réduction’ de la dissonance. L’écart entre les éléments cognitifs (nous sommes dans la merde) d’une part et notre système de croyance d’autre part (business as usual) est source d’une tension psychique représentant un inconfort réel (même si celui-ci est en bonne partie inconscient ou noyé sous des considérations plus superficielles), qu’il importe de réduire. Les stratégies de réduction de la tension et donc de la dissonance sont susceptibles de prendre des formes variées : négation d’éléments de cognition, réinterprétation délirante (complotisme), focalisation sur des détails marginaux (le kangourou apeuré dans l’incendie), rationalisation, modification de l’univers relationnel, superstition, hypocrisie, etc … (27).

Ainsi des chercheurs ont étudié la réaction de personnes vivant habituellement à proximité d’un danger potentiel, dans ce cas les habitants de villages de montagne susceptibles de se trouver directement impactés par une avalanche (28). Cette étude a mis en évidence divers types de stratégies de réduction de la dissonance :

minimiser le risque couru, par exemple en le relativisant par rapport à des catastrophes survenues ailleurs ou par rapport aux problèmes rencontrés quotidiennement, en lui conférant au contraire un caractère exceptionnel (une façon de dire que la probabilité d’être touché est très faible), en lui posant des limites, vraies ou supposées;

chercher à justifier son comportement, par exemple en invoquant les contraintes de propriété ou d’exploitation agricole, et en se libérant ainsi de la responsabilité de sa situation, en invoquant des préférences de site, et en justifiant ainsi son choix de localisation par une pesée des arguments, en invoquant la confiance dans les experts ou les promoteurs, et en se déchargeant ainsi sur eux de sa responsabilité;

minimiser la dissonance, par exemple par la connaissance du danger et donc la possibilité de l’éviter (le sentiment de maîtriser l’exposition au risque par son comportement est un facteur essentiel), par le fatalisme, ou au contraire la bravade, par l’humour et la dérision.

Un tel descriptif peut parfaitement s’appliquer aux diverses stratégies que nous mettons en place aux fins de réduire la dissonance entre les données relatives aux périls écologiques et socio-économiques en cours de développement d’une part et nos comportements dans tous les aspects de notre existence d’autre part. Pensons donc à fermer le robinet durant notre prochain brossage de dents vespéral, nous n’en dormirons que mieux.

Biais cognitifs

Modèle Algorithmique: John Manoogian III (jm3) Modèle Organisationnel: Buster Benson. Source: wikipedia

Le traitement cognitif d’une information peut se trouver soumis à distorsion. On parlera alors de biais cognitif. On en répertorie des dizaines, agissant à l’échelle de l’individu ou au niveau social. Le biais de confirmation, tel que décrit ci-après, apparaît tout à fait pertinent à notre propos.

« Pour évaluer un risque, toutes les possibilités devraient être envisagées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Or, nous privilégions les issues qui nous paraissent les plus souhaitables, celles qui sont conformes à nos attentes et à nos schémas antérieurs (Wason, 1960, 1981). Cette tendance à chercher des informations qui confirment nos idées (ou préjugés) est connue sous le nom de biais de confirmation. Ce biais nous pousse à interpréter des informations de manière qu’elles corroborent nos opinions et nos hypothèses. Inconsciemment, nous éliminons celles qui les infirment et retenons ou donnons un poids important à celles qui les confirment (Hogarth, 1987 ; Klayman et Ha, 1987 ; Skov et Sherman, 1986). Ce biais de confirmation peut nous faire persévérer dans l’erreur sans tenir compte des indices qui contredisent notre opinion, car reconnaître que nous avons été défaillants, que nous avons mal jugé une situation et que nous nous sommes entêtés est trop destructeur pour l’image de soi. »(29)

Au regard de recherches en sciences sociales, « entre 85 % et 90 % des personnes ne voudraient pas être au courant des événements négatifs à venir  »(30). Un résultat que les chercheurs interprètent comme une forme d’évitement d’affects négatifs anticipés.

On peut difficilement ici ne pas évoquer le syndrome de Cassandre. « Le syndrome ou complexe de Cassandre désigne les situations où on ne croit pas ou ignore des avertissements ou préoccupations légitimes. » (wikipedia). Dans la mythologie grecque, Cassandre, qui avait reçu d’Apollon le don de prédiction, fut condamnée par celui-ci à n’être crue par personne pour avoir refusé ses divines avances. Les cognitivistes voient ici à l ‘œuvre, plus pragmatiquement, un biais de normalité ou biais de status quo.

J’y pense puis j’oublie

Certaines circonstances peuvent modifier notre sensibilité, notre degré d’ouverture à des informations qui prennent alors sens et peuvent sembler en mesure d’exercer une influence sur nos attitudes et nos choix (31). Quitte à disparaître des radars avec le temps ou l’évolution du contexte. Ainsi, durant le confinement du printemps 2020, les deux-tiers des Français estimaient qu’il était nécessaire de mettre un sérieux bémol au productivisme et à la recherche de rentabilité. Nous observons aujourd’hui , moins de deux années plus tard, des niveaux de consommation comparables à ceux observés avant l’irruption de la pandémie. Les mêmes qui, après s’être émerveillés de la chute des émissions dans l’atmosphère lors des confinements, se consacrent aujourd’hui avec une belle ardeur à reprendre la courbe de la croissance et ses moultes externalités délétères. Le moment romantique est passé, retour à la dure loi de la survie au quotidien.

Si nous avons vu que tant la surexposition aux informations de tous ordres que notre équipement cognitif ou la rareté des circonstances où nous serions plus ouverts au changement constituaient de lourdes limites à notre appréhension de ce qui se passe aujourd’hui, nous devrions également nous inquiéter de la question des intérêts et des pouvoirs en jeux dans la disponibilité des informations. C’est ce que nous allons examiner dans les paragraphes suivants.

De la cigarette au gasoil

La manipulation de l’information au gré de leurs intérêts économiques par les grandes entreprises ne date pas d’hier (32). C’est ce que d’aucun ont appelé ‘La fabrique de l’ignorance’ (33) ou agnotologie. Impacts du glyphosate sur la biodiversité, impact cancérigène de l’amiante, rôle des pesticides dans le déclin des populations d’abeilles, bisphénol A, etc, les exemples ne manquent pas. Très bien documenté (34), le cas d’école nous est fourni par l’industrie du tabac qui, en pleine conscience de la nocivité de ses produits, a manipulé durant des décennies politiciens et médias afin de minimiser ou retarder les contraintes législatives s’opposant à leurs intérêts économiques. Même schéma du côté du secteur pétrolier dont il est maintenant établi (35) qu’il avait identifié dès les années 70 la problématique de l’accumulation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre liée à l’activité humaine et en particulier au recours aux énergies fossiles, constat à la suite duquel furent mises en œuvre diverses stratégies dilatoires à destination du monde politique et scientifique mais également des médias, au fil des décennies. Jusqu’il y a peu, alors que la problématique de l’extraction des ressources fossiles ne pouvait plus être contournée, avec le basculement de la communication du secteur vers le ‘greenwashing’ (36).

Médias sous influence

Source: Le Monde Diplomatique (version déc. 2020 – mise à jour régulière)

En France aujourd’hui une bonne part de la presse écrite et plus de la moitié des médias télévisuels sont contrôlés par une dizaine de milliardaires (37), dont on peut supposer qu’ils n’ont pas réalisé ces acquisitions dans un grand geste humaniste désintéressé. Être propriétaire de médias d’envergure constitue une puissante position d’influence (38).

Il existe bien entendu des médias minoritaires dont la parole est bien plus libre. Mais il est remarquable que, une fois une idée ou une formule imposée par le discours dominant, sa réfutation nécessite le recours à des moyens argumentaires et autres bien supérieurs à ceux qu’auront nécessité sa mise en place (loi de Brandolini).

Le coup du pouce

Dérivant en droite ligne du marketing (39), les techniques d’’accommodation’ de l’individu se sont, depuis une quinzaine d’années, amplement diffusées dans la sphère de la gouvernance publique (40) et auprès du personnel politique. Richard THALER, professeur d’économie comportementale à l’Université de Chicago et Cass SUNSTEIN de l’Université de Harvard, auteurs du concept de nudge (41), en sont les représentants les plus connus du public.

source: wikipedia

Qui ne connaît pas l’anecdote de cette mouche peinte au fond des urinoirs, qui réduit considérablement les tâches de nettoyage, l’exemple classique du nudge ? « Pour l’instigateur de cette démarche, l’intérêt est de pouvoir agir sur différents leviers relatifs au processus décisionnel d’un consommateur, dans le but de le faire changer de comportement pour un coût très faible. » (Wikipedia). Le nudge est destiné à se substituer aux contraintes et interdictions. Il suppose une éthique de ‘bienveillance’. Un concept qui ne parait guère opérationnel, et l’on se rappellera à quel point le ‘big brother’ de G. ORWELL se définit lui aussi dans un esprit de bienveillance.

Les géniteurs du concept, libertariens déclarés (42), partent d’une position idéologique de détestation des règlements et interdits. Ce qui pourrait bien les rendre sympathiques, au premier abord. Mais, si tous deux abhorrent le contrôle étatique, le libertarien diffère du libertaire en ce que le premier prône une liberté purement individuelle (et, dans la pratique, nettement plus soucieuse de la propriété privée que des impacts sur autrui de l’exercice de sa propre liberté) alors que le second conçoit la liberté individuelle dans un contexte social et économique égalitaire.

La mouche au fond de l’urinoir, la cigarette géante dans un hall de gare, l’escalier déguisé en clavier de piano, etc, des ‘astuces’ qui au premier abord s’avéreraient plutôt aimables. On ne peut nier leur intérêt et leur efficacité lorsqu’il s’agit de petits gestes de la vie quotidienne. Cette approche apparaît sous un tout autre éclairage toutefois lorsqu’elle est appliquée à beaucoup plus grande échelle, dans une combinaison inédite d’informations biaisées, d’incitations perverses, de contrôle et de coercition telle que celle réalisée sous le vocable de Pass Sanitaire. Des pratiques qui, des plus simples aux plus orwelliennes, se montrent à l’évidence sous-tendues par une conception d’un individu hétéronome et isolé, inapte à gérer ses choix et devant donc faire l’objet d’une guidance ou de coups de pouce (la traduction littérale du terme anglais ‘nudge’) comportementaux (43). Cela paraît plus facile à réaliser effectivement que de chercher à accroître la compétence ou l’esprit critique des citoyens, ou de les amener à élaborer ensemble des solutions adaptées à leur milieu de vie (44). En d’autres termes, une forme d’infantilisation, bien en phase avec le paternalisme (généralement condescendant, parfois injurieux(45)) de nos gouvernants (46). Une conception de l’être humain donc en accord avec l’hétéronomisation croissante et qui témoigne de sa génétique marketing. Et, j’y arrive, une pratique renforçant notre passivité, notre docilité, notre non prise en charge des enjeux en cours.

« Ne voyez-vous pas que le but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? » (47)

Enquête sur les mots pour dire la catastrophe, dans l’article ‘Apocalypse Now’, 2ème partie

Les mots auxquels nous recourrons pour comprendre (les catégories p.ex.) ou communiquer structurent notre pensée. Ils occultent ou au contraire éclairent les éléments de notre monde. Au-delà des euphémismes (‘technicienne de surface’ pour femme de ménage ou ‘hôtesse de caisse’, assise sur le tabouret de la caissière), révélateurs néanmoins d’une volonté d’occultation de statuts sociaux, il y va de la compréhension de notre être au monde et de la structuration de celui-ci. Si le terme ‘classe sociale’ est quasiment absent de notre univers langagier (catégories socio-professionnelles c’est quand même moins communisant, pardon, plus chic), c’est notre compréhension des phénomènes socio-économiques en cours qui s’obscurcit, avec la dépolitisation des rapports sociaux. Tandis que l’invention de termes comme ‘Transition’ ou la perversion d’autres, tel que ‘résilience’ encadrent, réduisent nos capacités à penser les phénomènes.

Si certains(48) considèrent les mots comme une arme, c’est donc qu’il faut s’en méfier, et d’abord reconnaître leur rôle décisif là où nous en sommes en ce jour.

De fait, comme dans la dystopie orwellienne, déployer une pensée critique est rendu d’autant plus difficile que les mots pour l’élaborer et pour l’exprimer ont été subvertis.

T. GUENOLE Le Comptoir 2018

La faute au bug ?

Article « phrenology » dans le dictionnaire Webster – circa 1900 (source: wikimedia)

« Face au changement climatique, notre cerveau est-il notre pire ennemi ? » s’interrogeait il y a peu un quotidien généraliste (49), faisant référence aux recherches neurologiques démontrant l’influence de certains circuits neuronaux sur nos conduites qualifiées de ‘irrationnelles’. De là à estimer que notre incapacité à agir efficacement face aux menaces climatiques serait due à des dispositifs cérébraux, hérités d’une phylogenèse complexe et aujourd’hui inadaptés, il n’y a qu’un pas, qui ne demande qu’à être allègrement franchi par des auteurs en mal de succès médiatiques ou de librairie. Et bien sûr une majorité de journalistes emboîte le pas sans moufter.

Notre amour des explications simples et des consignes étroites (voici un autre champs d’investigation pour les neurologues !) suffit sans doute à expliquer le succès de tels raccourcis intellectuels. Aujourd’hui les éditeurs peuvent compter sur une motivation d’achat supplémentaire dans la mesure où la souffrance liée à la stase actuelle nous pousse à rechercher toute forme de réassurance ou même simplement d’explication déresponsabilisante (50).

Le débat scientifique autour de l’influence du cerveau, et en particulier de ses composants archaïques, sur le comportement humain n’est pas une affaire récente (51). Ces questions nous reviennent, dans l’actualité du changement climatique, avec l’ouvrage vulgarisateur de S. BOHLER (52) dont l’intitulé ‘Le bug humain: pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher’ augure bien du caractère outrageusement simplificateur de l’analyse. Voici la thèse de l’auteur  (ainsi résumée par l’éditeur) : « Sébastien Bohler docteur en neuroscience et rédacteur en chef du magazine Cerveau et psycho apporte sur la grande question du devenir contemporain un éclairage nouveau, dérangeant et original. Pour lui, le premier coupable à incriminer n’est pas l’avidité des hommes ou leur supposée méchanceté mais bien, de manière plus banalement physiologique, la constitution même de notre cerveau lui-même. Au cœur de notre cerveau, un petit organe appelé striatum régit depuis l’apparition de l’espèce nos comportements. Il a habitué le cerveau humain à poursuivre 5 objectifs qui ont pour but la survie de l’espèce : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, étendre son territoire, s’imposer face à autrui. Le problème est que le striatum est aux commandes d’un cerveau toujours plus performant (l’homme s’est bien imposé comme le mammifère dominant de la planète) et réclame toujours plus de récompenses pour son action. Tel un drogué, il ne peut discipliner sa tendance à l’excès. À aucun moment, il ne cherche à se limiter. Hier notre cerveau était notre allié, il nous a fait triompher de la nature. Aujourd’hui il est en passe de devenir notre pire ennemi. ».

La soi-disante démonstration menée par S. BOHLER a fait l’objet d’un démontage en règle par le chercheur en neurologie développementale T. GARDETTE (53). Au niveau scientifique, les critiques formulées par le chercheur dénoncent les erreurs, approximations et généralisation coupables dans le volet neurologique des thèses de l’auteur : rôle exclusif de la dopamine, relation entre striatum et comportements addictifs, etc. Sur un plan plus épistémologique, T. GARDETTE met en évidence un axiome implicite dans l’approche évolutionniste adoptée par S. BOHLER, celui-ci ne retenant que la pression compétitive, évacuant sans discussion la logique de la coopération dans l’évolution (54). On retrouve ici le fondement quasiment idéologique de l’Evo-psy, l’évolutionnisme psychologique. Une approche qui a d’ailleurs valu à S. BOHLER de recevoir antérieurement de sévères critiques, assez comparables en fait à celles que suscite ‘Le bug humain’. (55).

Un second axiome implicite chez cet auteur est son recours systématique à la ‘nature humaine’ comme principe explicatif ultime. L’homme que nous connaissons aujourd’hui et son comportement ont été essentiellement façonnés par l’évolution de la ‘nature humaine’ (elle-même sous l’influence exclusive de la compétition, ainsi que vu ci-dessus). Le social, l’économique et le politique sont priés de s’éclipser discrètement par la porte de derrière, merci (56). On se croirait dans le monde sinistre de Y.N. HARARI !

Il y a plus que certainement un souci avec les circuits neuronaux de la récompense (entre autres) dans notre espèce. Mais ce ne sont pas de telles approches réductrices qui nous permettront d’y comprendre quoi que ce soit (57).

Modèle réduit

saisie d’écran

On peut tenter d’imaginer un modèle systémique de la cognition, tel celui proposé par Lammel (2014), affiché ci-contre. Au départ de recherches sociologiques menées dans différents pays et milieux, ces chercheurs du CNRS ont identifié ce qu’ils appellent les ‘limites de la cognition’ relativement au changement climatique :

  • les limites des mécanismes sensoriels humains (j’ajouterais ‘dans un contexte de surabondance d’information’)
  • le décalage entre la cause et l’effet (j’ajouterais ‘dans un contexte de désinformation ou de manipulation des médias’)
  • la sous-estimation systématique de la fréquence des événements rares
  • les distances spatiales, temporelles et sociales entre ‘auteurs’ et victimes’.

A ces limites identifiées par les chercheurs j’ajouterais, au regard des développements auxquels nous nous sommes livrés dans ce premier article:

  • les multiples détournements et asservissements du langage
  • la panoplie de biais neuronaux, sensoriels et sociaux, ainsi que leur exploitation en termes de marketing
  • l’influence des médias classiques et sociaux, éventuellement asservie à des intérêts économiques et/ou de pouvoir.

__________

J’en resterai là pour ce premier épisode, je n’ai sans doute que trop écrit déjà. Dans le deuxième, qui devrait trouver place ici sous peu, je vous proposerai de prendre un peu de distance pour mener une réflexion sur la question de savoir si nous sommes bien à la hauteur des choix qu’il nous faut faire. Si nous sommes prêts à assumer une amère lucidité.

A suivre donc, avec l’article ‘Pilule bleue ou pilule rouge ?

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(1) Event 201, organisé en octobre 2019 par le Johns Hopkins Center for Health Security, ou les rapports de l’OMS depuis 2015 (référence manquante)

(2) Épiphénomène lourdement pénalisant pour nombre d’entre nous c’est certain, mais épiphénomène quand même puisque cette pandémie se présente bien plus comme un révélateur que comme un élément de type causal (voir notamment le documentaire de A. de Halleux).

(3) L’infrastructure du système (et en particulier la concentration des pouvoirs) n’ayant pas fondamentalement changé entre le début de 2019 et aujourd’hui.

(4) Expression qui, à peine un an après avoir fait florès (tout comme à la même époque les applaudissements aux fenêtres à 20 heures, reconnaissance collective du travail à la limite du sacrificiel des travailleur(se)s du secteur hospitalier, aujourd’hui démissionnant en masse ou virés pour cause de refus de vaccination) apparaît déjà tellement désuète, tant au regard de la naïveté foncière du concept que dans la perspective de plus en plus probable d’une installation dans le long terme de cette épidémie-ci.

(5) J’ai pris la peine de rassembler dans un tableau divers constats des évolutions écologiques, sociales, économiques et politiques intervenues récemment, en gros depuis la rédaction de mon texte ‘Apocalypse Now’. Ce document, qui ne prétend en rien à l’exhaustivité, est néanmoins trop volumineux pour prendre place dans une note en bas d’article. Il est consultable ici.

(6) La COP26, dernier avatar de négociations visant à changer pour que rien ne change, en fait une nouvelle fois l’illustration. Voir p.ex. ici.

(7) La réaction de l’animal à une situation de stress aigu constitue un classique. D’autres modes de réaction au traumatisme, vécus individuellement et/ou socialement, se donnent à voir également aujourd’hui, tels le déni ou la dissociation (je fais un gros don annuel à Greenpeace et je commande sans complexe sur Amazone).

(8) Louis CROCQ, Traumatismes psychiques (2007).

(9) Ces éléments de constat, sans aucun doute, doivent être nuancés en ce qui concerne les jeunes, nés au cours du siècle présent. Je m’interroge. Cette génération a-t-elle pris la pleine mesure de l’héritage pourri qui leur est laissé ? Elle semble en tout cas tout autant impactée par le traumatisme. Est-elle plus réactive que ses aînés ? Quand se lassera-t-elle d’attendre gentiment que ceux-ci se bougent vraiment ?

(10) Le titre ainsi qu’une part du contenu de ce paragraphe sont inspirés de l’article de Nicolas FRAMONT « « Pourquoi dire « les gens sont cons », c’est con » (Frustration Magazine, 22.07.21).

(11) On peut également tenter l’exercice avec « Les papas papous » …

(12) https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Observatoire-de-la-diversite/Barometre-de-la-diversite-de-la-societe-francaise-resultats-de-la-vague-2019
https://www.frustrationmagazine.fr/meteo-neiges-television-de-riches-enquete-monopole-classes-superieures-a-television/
https://www.acrimed.org/Medias-de-classe-haine-de-classe

(13) https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus/le-climat-au-risque-de-la-procrastination

(14) Même si ces hypothèses myopes constituent un des fondements de la théorie économique classique. J’espère avoir l’occasion de traiter ultérieurement de cette vision et des distorsions qu’elle impose tant à l’individu qu’au collectif.

(15) https://journals.openedition.org/vertigo/12125. Pour une revue de la littérature scientifique sur le sujet : https://www.researchgate.net/publication/247515228_The_influence_of_affect_on_higher_level_cognition_A_review_of_research_on_interpretation_judgement_decision_making_and_reasoning

(16) Ah, réfléchir au libre arbitre, Spinoza, etc … Un article de plus en gestation (à durée indéterminée).

(17) https://www.planetoscope.com/Internet-/1523-.html

(18) https://www.planetoscope.com/Internet-/1547-.html

(19) https://www.puf.com/content/Apocalypse_cognitive

(20) BATESON G., Mind and Nature: A Necessary Unity, Hampton (1979).

(21) https://theconversation.com/dans-les-cevennes-les-pluviometres-tombent-daccord-les-pluies-extremes-sintensifient-169142

(22) http://www.reputatiolab.com/2016/08/sest-propage-polemique-burkini-reseaux-sociaux/

(23) Malgré le matraquage médiatique, ou les fausses problématiques imposées par les politiques, les préoccupations des Français, et ils sont loin d’être les seuls dans le cas, semblent orientées vers des questions sociales, économiques ou écologiques bien plus que sur la taille d’un vêtement de plage, les prénoms culturellement corrects ou la recette du couscous. Voir p.ex. https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/10/16/many-globally-are-as-concerned-about-climate-change-as-about-the-spread-of-infectious-diseases/

(24) https://www.ladepeche.fr/2021/09/24/lionel-messi-le-loyer-exorbitant-de-sa-nouvelle-maison-pres-de-paris-9811324.php

(25) Voir par exemple les appels de scientifiques listés ici. Ou ce rappel historique.

(26) L. Festinger, A theory of cognitive dissonance, Stanford university press (1957)

(27) La théorie de la dissonance cognitive :une théorie âgée d’un demi-siècle, David Vaidis
et Séverine Halimi-Falkowicz, 2007
.

(28) Schoeneich Philippe, Busset-Henchoz Mary-Claude. La dissonance cognitive : facteur explicatif de l’accoutumance au risque. In: Revue de géographie alpine, tome 86, n°2, 1998. pp. 53-62.

(29) Jacky Leneveu et Mireille Mary Laville, « La perception et l’évaluation des risques d’un point de vue psychologique », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, Volume 12 Numéro 1 | mai 2012.

(30) Psychological Review 2017, Vol. 124, No. 2, 179 –196 Cassandra’s Regret: The Psychology of Not Wanting to Know, Gerd Gigerenzer Rocio Garcia-Retamero

(31) C’est le concept de la ‘Fenêtre d’Overton’

(32) Oreskes, N. et Conway, E. (2010). Merchants of Doubt: How a Handful of Scientists Obscured the
Truth on Issues from Tobacco Smoke to Global Warming. New York, Bloomsbury Press.

(33) Titre adopté par P. VASSELIN pour son documentaire (sorti en 2021) : https://boutique.arte.tv/detail/la-fabrique-de-lignorance.

(34) Voir par exemple le reportage de ‘Cash Investigation’ réalisé en 2015.

(35) https://www.climatefiles.com/ ou, plus proche de nous et tout récent: Alertes précoces et émergence d’une responsabilité environnementale : Les réactions de Total face au réchauffement climatique, 1968-2021, Christophe Bonneuil, Pierre-Louis Choquet, Benjamin Franta, Global Environmental Change, 19 October 2021.

(36) https://www.greenpeace.fr/espace-presse/ag-de-total-greenwashing-vs-resolution-climat-total-ratera-t-il-encore-le-coche-de-la-lutte-contre-le-changement-climatique/

(37) Les médias publics ‘aux ordres’ sont très bien également en matière de propagande (p.ex. ici).

(38) https://www.acrimed.org/Les-grandes-manoeuvres-de-concentration#nb12 ou https://basta.media/Le-pouvoir-d-influence-delirant-des-dix-milliardaires-qui-possedent-la-presse

(39) Une approche du neuro-marketing peut-être dans un prochain article ?…

(40) https://www.modernisation.gouv.fr/outils-et-formations/le-nudge-un-nouvel-outil-au-service-de-laction-publique ou https://www.modernisation.gouv.fr/outils-et-formations/le-nudge-un-nouvel-outil-au-service-de-laction-publique

(41) Richard H. Thaler, Cass R. Sunstein, Etude (Poche), 2012

(42) https://fr.wikipedia.org/wiki/Nudge_(livre)

(43) quand il ne s’agit pas tout simplement d’arrondir les angles du triptyque contraindre / surveiller / punir qui chaque jour envahit un peu plus notre paysage social et politique

(44) Les systèmes ‘réflexif’ d’une part et ‘automatique’ de l’autre, de THALER et SUNSTEIN.

(45) Un exemple pris au hasard dans un large florilège présidentiel: « Une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. » Un mépris de classe peut-être hérité d’un prédécesseur comme F. HOLLANDE et ses sarcasmes sur les ‘sans-dents’.

(46) Qui semble beaucoup plus apparent aux yeux d’observateurs étrangers que des médias hexagonaux.

(47) Georges ORWELL, 1984 (1949). La tirade complète: « Ne voyez-vous pas que le but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. Vers 2050, plus tôt probablement, toute connaissance de l’ancienne langue aura disparu. Toute littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron n’existeront plus qu’en version novlangue. Même la littérature du Parti changera. Même les slogans changeront. Comment pourrait-il y avoir une devise comme « La liberté, c’est l’esclavage », alors que le concept même de liberté aura été aboli ? En fait, il n’y aura pas de pensée telle que nous la comprenons maintenant. Orthodoxie signifie non pensant, qui n’a pas besoin de pensée. L’orthodoxie, c’est l’inconscience.« 

(48) S. DERKAOUI et N. FRAMONT, La guerre des mots, Le Passager Clandestin, 2020

(49) https://www.letemps.ch/societe/face-changement-climatique-cerveau-estil-pire-ennemi

(50) Voir plus haut, sous le titre ‘dissonance cognitive’

(51) https://www.franceculture.fr/emissions/les-passeurs-de-science-le-cerveau/petites-histoires-des-neurosciences

(52) Sébastien Bohler, Le bug humain : pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher, Paris, Robert Laffont, 2019

(53) https://bonpote.com/la-faute-a-notre-cerveau-vraiment-les-erreurs-du-bug-humain-de-s-bohler/

(54) Tiens cela me rappelle mes jeunes années et la sociobiologie de E.O. WILSON, qui a fini par partir en vrilles quelques années plus tard (voir p.ex. Misère de la sociobiologie : Patrick Tort (Ed.), Presses Universitaires de France, 1985) ! Déjà du vivant de DARWIN, les conceptions de celui-ci ont donné lieu à des dérives du même type, dénoncées par DARWIN lui-même. A titre d’alternative, voir p.ex. T. WARING et Z.T. WOOD, Long-term gene-culture coevolution and the human evolutionary transition, Proc. R. Soc. (2021).

(55) Voir les critiques de Odile FILLOT relativement à l’émission “Bohler : les hommes, les femmes, et nos cerveaux”, 16 novembre 2012, www.arretsurimages.net.

(56) Une déconstruction comparable du terme ‘anthropocène’ dans la seconde partie de mon article ‘Apocalypse Now’.

(57) Toujours bien en vue dans ma liste d’articles à venir, une réflexion approfondie sur cette question … Chaque jour j’apprends la patience.