Les papas papous

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Voilà. Nous venons de réaliser une jolie description, un modèle plus ou moins satisfaisant de l’humanité (bon, ici je n’ai délibérément considéré que la moitié masculine de celle-ci, je n’aurais pas voulu lasser trop vite le lecteur en allongeant mon petit exercice par son double féminin (3)). Sur base d’un critère distinctif binaire – 1 ou 0 – à chaque étape, nous pouvons penser avoir progressé dans la compréhension du monde. Effectivement, maintenant que je relis cet exercice, je vois bien comment le monde se divise. Il n’y a aucune place pour le flou ou le doute. Aaaahhhh !

Des modèles ou tout simplement des modes de pensée de cet acabit, on en trouve à la pelle, tous les jours, dans notre existence: les Blancs et les Blacks bien sûr, les Musulmans et les Laïcs, les Français et les Étrangers, mais aussi Nous, c’est-à-dire Celles et Ceux du village, du quartier, de la ville, du club de foot, de l’entreprise, du mouvement politique, etc. et Les Autres, … ad nauseam. Pratique: on colle sur le front du congénère quelques étiquettes ad hoc, ensuite il n’y a plus qu’à laisser s’appliquer le simple principe stimulus / réaction. Cela fonctionne très bien chez l’amibe, pourquoi pas chez l’être humain, même décérébré par des cohortes d’éditorialistes télé, marchands de rêves, peoples plus ou moins bling bling ou politiciens et hauts fonctionnaires rompus à l’exercice de la novlangue ? Merveilles de la dichotomie !

S’attacher, au contraire, à considérer les choses dans leur complexité n’est guère confortable. Cela peut même représenter une performance. A l’heure de la captation / exploitation systématique de l’attention par les écrans, des bulles de filtre créées par les algorithmes des réseaux sociaux et des moteurs de recherche et de l’immédiateté de l’information, la perception constitue déjà une première étape ardue, la diversité un horizon lointain.

Persistons-nous ?… Ô stupeur, que voyons-nous ? Notre entourage, le monde, est constitué d’une myriade d’individus aussi complexes que nous, tout autant traversés par des tensions parfois contradictoires, aussi perméables que nous le sommes aux émotions et sentiments, aussi influençables et auto-limités, aussi … humains, en fait !

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(1) Je crois utile de préciser que je ne parle pas ici des papous en tant qu’ethnie ou population, d’autant qu’ils vivent présentement des moments difficiles.

(2) J’ai vérifié, il y a bien des papas chez le Pediculus humanus capitis.

(3) Sans parler des nombreuses exceptions catégorielles au critère (genré) mâle / femelle: LGBTQ… etc. (j’ai perdu le décompte, désolé). Signe perturbant de ce que la complexité semble avoir pour propriété perverse de se réinsérer dans l’analyse la plus simpliste !